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"Notre méditation habituelle
devrait être la louange de Dieu,
parce que la louange de Dieu
sera notre éternelle allégresse."
St Augustin, Commentaire sur le Psaume 148.
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au 2/12
Les Vertus théologales - L'Espérance
I. L’espérance chrétienne
II. Le Don de la Crainte
III. Vices opposés à l’Espérance
IV. Les Préceptes concernant l’Espérance
I. L’espérance chrétienne
La vie humaine n’est jamais pleinement réalisée. Si, irrésistiblement, elle tend à se développer et envisage une certaine perfection, elle prend vite conscience aussi de ses limites. L’âme aussi sent naître en elle des désirs sans limites : c’est alors qu’elle se tourne vers son Créateur. Et Dieu a précisément créé ce gouffre sans fond qu’est l’âme humaine avec pour dessein de le remplir.
1. Les fondements de l’Espérance
Foi et Espérance ne se confondent pas. Il est exact que l’Espérance suppose la Foi et se fonde sur elle. Car Dieu révèle ce qui sera autant que ce qui est. S’Il montre et donne, Il annonce aussi et promet. Répondant au besoin inné de l’âme humaine, Dieu, non seulement lui permet, mais lui commande d’espérer en Lui et d’attendre de Lui seul sa grandeur définitive et son bonheur.
L’Espérance domine toute la Révélation dans l’Ancien Testament depuis l’annonce du Sauveur aux exilés du Paradis, en passant par la Promesse faite à Abraham et aux Patriarches ; le Nouveau Testament, la vie et la mort du Sauveur est la preuve "palpable" que Dieu est fidèle à ses promesses, l’Espérance en est affermie encore ; elle est la seule explication du christianisme.
Comme la Foi, l’Espérance se fonde sur la Parole de Dieu, sur la Parole qui promet et non plus sur la Parole qui enseigne. Mieux que la Foi qui, le plus souvent, ne possède aucun moyen de contrôler les affirmations divines et doit les accepter de confiance, l’Espérance s’affermit par l’expérience, à mesure que se multiplient les bienfaits divins d’ordre sensible ou spirituel, signes tangibles d’une Bonté qui oblige à accroître la confiance.
L’Espérance n’est donc pas un vague espoir mais une certitude.
Comme le dit St Bernard : « trois choses assurent mon espérance : la Charité qui nous adopte, la Vérité qui promet, et la Puissance qui donne. Or pour toutes trois, le Christ est l’argument vivant : pour la Charité, sa venue parmi nous et son dévouement si tendre ; pour la Vérité, son enseignement si clair ; pour la Puissance, son action et sa résurrection si prodigieuse ».
En résumé, « Dieu sait, Dieu peut, Dieu m’aime » (Ste Thérèse).
Voilà le grand motif de l’Espérance chrétienne.
2. Objet de l’Espérance chrétienne
C’est vers un objet infini que l’Espérance porte l’âme chrétienne : à savoir la conquête de la Vie Eternelle. C’est dire que l’homme ne rêve de rien moins que de posséder Dieu qui, seul peut lui communiquer Vie et Béatitude sans fin, comme le feu pénètre le fer pour lui faire part des ses propriétés. Et l’Espérance chrétienne qui se propose la Vie Eternelle comme fin dernière, donne la Grâce multiforme qui supplée à l’impuissance de la vie temporelle et permet à l’homme de faire de son pèlerinage terrestre un acheminement sûr vers la Patrie Céleste : « Mon Dieu, j’espère que vous me donnerez votre Grâce en ce monde et la Vie Eternelle dans l’autre » (Acte d’Espérance).
Quant aux biens matériels, ne font-ils pas partie, eux aussi de ce qu’il faut attendre de Dieu ? Il y a tant de chrétiens qui s’étonnent de ne pas les recevoir avec plus d’abondance, persuadés que le Père Céleste devrait considérer leurs besoins et y pourvoir. S’ils prient et espèrent, ce n’est guère en vue d’autre chose. Mais il y a là une erreur grossière !
Si ces biens sont incontestablement utiles et nécessaires et doivent être objet de l’Espérance, leur accumulation et leur usage excessif deviennent une entrave à la recherche des biens éternels. Dans ce cas, ils sont contraires à l’Espérance. Et parce que Dieu sait que les hommes sont portés à amasser exagérément les biens de la terre au mépris de leur bonheur céleste, Il conseille plutôt de ne pas se soucier des moyens d’existence corporelle, tels que nourriture, vêtement, logement, Lui-même se chargeant, en Père plein de sollicitude, de les dispenser dans la juste proportion où ils sont utiles et nécessaires : « cherchez d’abord le Royaume de Dieu : tout le reste vous sera donné par surcroît ».
3. Extension de l’Espérance
Tous les moyens de salut ressortissent à l’Espérance tant il est vrai que « sans Dieu l’homme ne peut rien faire », et « qu’il peut tout, au contraire quand la Grâce divine vient le fortifier ».
Mais, tout attendre de Dieu ne veut pas dire ne rien faire soi-même. Cette attente n’est pas passivité et inertie. Elle consiste d’abord à reconnaître son impuissance, véritable acte d’humilité. Elle exige ensuite l’exploitation des dons et talents départis par la Providence : cette coopération exprime la sincère volonté de répondre aux desseins de Dieu. A qui fait son possible, Dieu ne refuse pas sa Grâce !
Enfin, et surtout l’expectative doit se faire suppliante : « Demandez et vous recevrez… Tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, Il vous l’accordera ! ». La prière est la grande part de l’homme dans l’œuvre de son salut : cri de confiance, appel à la Bonté, qui déclenche la Puissance. Quiconque espère vraiment n’hésite pas à demander. Et le Dieu qui ordonne d’espérer, ordonne aussi de demander ! Insister, persévérer, c’est alors entrer dans les vues de Celui qui, nous ayant créés faibles mais libres, entend subvenir à nos besoins mais ne veut pas nous sauver sans nous.
La confiance au Dieu qui sauve, entraîne une confiance égale aux instruments de Salut qu’Il propose : Espérance en l’action salutaire du Christ, Espérance à l’Eglise du Christ, qui n’est que la prolongation de sa Personne, aux représentants du Christ, évêques et prêtres, dépositaires de son autorité et dispensateurs de la Grâce et aux Sacrements qui accomplissent ce qu’ils signifient. Discuter la valeur de ces choses, serait douter de Dieu qui les a constitués et donc pécher contre l’Espérance.
Pour parvenir au Salut, il est enfin possible de s’appuyer sur la prière des Saints et sur l’intercession de la Vierge Marie à qui Dieu ne peut rien refuser. C’est donc l’Espérance en Dieu qui inspire la prière.
4. L’Espérance : Vertu théologale
L’Espérance est une « Vertu », c’est-à-dire puissance inclinant au bien. Et parce que le bien que se propose cette Espérance n’est autre que la possession de Dieu, elle porte le titre de « Vertu théologale ». Dieu en est la cause efficiente puisque Lui seul est capable de provoquer un tel mouvement de l’âme humaine ; et la cause finale, puisqu’Il est Lui-même l’objet que cet effort doit atteindre.
Cette Vertu est cependant appelée à disparaître avec cette vie, comme la Foi. En effet, s’il n’y a plus lieu de croire ce que l’on voit clairement, il n’y a pas davantage à espérer ce que l’on possède. Ainsi, les élus n’ont plus rien à espérer, parce qu’ils tiennent tout ; les damnés non plus, ne peuvent plus rien obtenir ; quant aux âmes du Purgatoire, elles espèrent toujours car elles savent qu’elles ne peuvent se soustraire à la Grâce.
Avec la Foi, l’Espérance reste donc bien au-dessous de la Charité, laquelle, réalisant dès ici-bas l’union d’Amour de l’âme avec son Dieu, demeurera pour accomplir leur parfaite possession mutuelle pendant l’éternité.
Mais l’Espérance est bien nécessaire !
L’espoir désigne la tendance vers un bien absent, dont la conquête est possible, au prix d’un effort ou grâce à un secours. Avec la Vertu théologale d’Espérance, le Bien lointain après lequel l’âme soupire n’est autre que Dieu ; cet effort et ce secours pour le posséder, c’est la docilité humaine à la Grâce divine.
L’Espérance est parfois appelée « Vertu des sommets ». Elle l’est car le propre de l’Espérance est de ne jamais être satisfaite : « toujours plus haut, pour être plus près de Dieu ». Les poètes parlent « des ailes de l’Espérance ». Elle est la force qui arrache au terre à terre ; elle invite le chrétien à ne « goûter que les choses d’en haut » et à « mettre sa conversation dans le Ciel ». Elle confère la vaillance pour endurer les douleurs ; l’Espérance inspire tous les sacrifices pour mener au vrai bonheur.
II. Le Don de la Crainte
Espérance et Crainte : ces deux termes semblent s’exclure. Cependant, ils s’accordent et se complètent : « Vous qui craignez le Seigneur, espérez en Lui » dit le psalmiste.
En réalité, il y a crainte et crainte : la crainte du juge ou la crainte de contrister un Père. Le Don de Crainte, Don du Saint-Esprit, n’est pas la crainte d’être puni par Dieu mais plutôt la crainte d’être séparé de Lui, la crainte de l’offenser, de ne pas faire tout ce qu’Il demande, une crainte inspirée par l’amour et non par la peur d’un être menaçant. Toute autre crainte d’un Dieu terrible n’a rien à voir avec l’Espérance, car l’âme dans ce cas chercherait alors à fuir la rigueur de Dieu plutôt que d’implorer son secours.
La crainte doit devenir la « crainte filiale », l’un des caractères le plus authentiques de la sainteté qui marque l’acte d’adoration des élus qui contemplent la face du Père. Craindre Dieu c’est en définitive la même chose que Le connaitre, être ému devant Lui jusqu’au saisissement. Cette crainte demeure même dans le Ciel : elle est le tressaillement de la créature en face de l’Absolu reconnu.
III. Vices opposés à l’Espérance
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Le désespoir
Quiconque juge que l’éternelle Béatitude n’est pas la destinée humaine ou est inaccessible agit à l’encontre de l’Espérance. C’est le désespoir. Celui-là renonce à tout effort et nie la Puissance de Dieu, méconnait la Bonté et l’Amour infinis dont Dieu fait preuve à l’égard du genre humain. Celui-là décrète que Dieu ne veut pas sauver les hommes et leur faire partager son bonheur éternel.
La personne désespérée ne croit plus en à la possibilité de son propre salut ce qui est constitutif d’un péché grave puisqu’il s’interdit toute nouvelle « conversion » à Dieu. Le pêcheur nie que Dieu puisse triompher du mal qui est en lui.
Le désespoir est le plus odieux des péchés, car il s’attaque directement à la miséricorde divine. Il est aussi le plus désastreux pour l’homme qui refuse de croire que le pardon soit possible.
2. La Présomption
Le désespoir est le péché par défaut d’espérance. La Présomption est le péché par excès.
En premier lieu, la présomption dédaigne les bienfaits divins. Elle repousse tout ce qui a l’apparence d’un secours étranger. Monstrueuse suffisance de Lucifer, de ceux qui prétendent accomplir seul leur destinée : se passer de Dieu, de sa Bonté autant que de son Autorité. A la base de cette présomption, il y a l’infidélité.
En deuxième lieu, la Présomption peut aussi se traduire par le fait que l’homme attende au contraire tout de Dieu et pense que Dieu, dans son infinie Bonté dispense l’homme de tout effort, ferme les yeux sur les négligences et infractions, qu’Il est un Dieu incapable de punir et même d’exiger. Tandis que le désespéré gronde : « mon péché est trop grand », le présomptueux sous-entend : « Bah, mes péchés sont trop peu de choses pour que Dieu s’y arrête ! ».
Enfin, une dernière présomption tient des deux précédentes : l’homme compte sur lui-même et sur Dieu à l’excès. Cédant aux faiblesses de sa nature et aux entraînements de la tentation, il se persuade que tout de même il trouvera la force de résister et de se ressaisir un jour quand il le décidera, puis s’il n’attend pas que Dieu lui pardonne sans repentir, il espère bien que le souverain Juge ne le fera pas comparaître sans lui accorder les délais et lui inspirer les sentiments d’une vraie contrition. Appuyé sur cette double confiance, il prend des allures désinvoltes devant les préceptes et les avertissements divins, court tous les risques avec insouciance, et joue avec son salut. Légèreté insolente…et combien imprudente !
IV. Les Préceptes concernant l’Espérance
On n’en trouvera pas d’explicites sous la forme des Commandements du Décalogue. Dieu n’a pas imposé l’Espérance. Il la suppose aussi bien que la Foi.
C’est donc antérieurement à toute prescription législative que l’Espérance s’est imposée progressivement avec discrétion et impérieusement, par la conduite et la bienfaisance du Seigneur.
1 Abraham crut en la Promesse, sans qu’il fût besoin de lui en donner l’ordre exprès, parce qu’il avait confiance en la Parole de Dieu.
2 Et le peuple s’en remettait avec assurance au Seigneur qui le guidait. Sans que nul dût commander l’Espérance, chacun de ceux qui en vivaient la recommandait aux siens et irrésistiblement la communiquait :
« Espère dans le Seigneur, car Il est notre Sauveur et notre Dieu ».
3 Et enfin la charité de Dieu, Son Verbe put s'incarner !
In Initiation à la Théologie
de Saint Thomas d'Aquin
R. P. Raphaêl Sineux O. P.
Desclée et Cie 1979