- Abbé Eric Herth
- 22 mai
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 4 juin
LE CANTIQUE SPIRITUEL
Il existe de très nombreuses traductions
du Cantique spirituel. Nous tenterons d'en
donner une de plus, personnelle, et qui n'engage
que notre intention d'être plus immédiatement
signifiant pour "entendre" cette œuvre qui nous
ouvre le "Chemin qui cherche Dieu... "
Nous traiterons du premier Cantique,
écrit de la plume même de Saint Jean de la Croix...
La version la plus originale de trente neuf strophes
sans la strophe 11. Le Cantique prolonge
la doctrine spirituelle de la Montée du Carmel
et de la Nuit obscure...
Une perception personnelle et adaptée du
Cantique est toujours possible évidemment,
et dans le Prologue, c'est avec beaucoup
d'humilité que l'auteur prévient que "ce serait une
ignorance bien grossière de croire que l'on puisse
écrire (définitivement) les secrets de l'amour
mystique..."
Strophe 1
"Où T'es-tu caché, Ami,
Toi qui me laissas dans les gémissements ?
Tel le cerf, Tu as fui, et m'ayant blessée l'âme
tu es parti, tandis que je T'ai cherché en criant !"
Dieu sera toujours un Mystère caché
qui échappera à l'âme qui Le cherche...
Ayant été enflammée pour mon Dieu, mon
âme n'a rien compris et a été blessée d'une
blessure d'amour ! Tu as commencé Seigneur
à me détacher de ce qui n'est pas Toi, mais
où es-Tu maintenant ?
Strophe 2
"ô Pâtres qui vous en irez la-haut jusqu'au
sommet, par les bergeries : si vous apercevez
Le plus-Aimé, dites-Lui que je souffre,
que je peine et que je meurs !"
Qui sont ces pâtres et ces bergeries,
ces intermédiaires susceptibles d'apercevoir
le Bien-aimé dans les hauts pâturages ?
Le chœur des anges, ou peut-être plus
simplement mes aspirations à l'Eternel, mon
désir intérieur, mes gémissements, mes attentes
pour Le voir ? L'ange ne dit-il pas à Tobie :
quand tu priais avec des larmes, j'ai présenté
ton oraison au Seigneur ..." (Tb 12,12)
Ne manquez pas de Lui dire... Comme Moïse
vit l'affliction de son peuple et la présenta à son
Dieu, au Livre de l'Exode... Je cherche Celui qui
par moi, est effectivement "Le plus-Aimé" !
"Souviens-toi de ma pauvreté, Seigneur,
de mon errance, de mon absinthe et de mon
poison" (Jérémie 3) ... Je "peine" aussi de toutes
mes contradictions dans cette quête...
Strophe 3
"En quête de mon Bien-Aimé, je m'en irai
par les montagnes et les rivages et ne cueillerai
point les fleurs ! Je ne craindrai en rien les bêtes
sauvages, et dépasserai volontiers les embûches
comme les frontières qui s'élèveront devant moi..."
Par les montagnes des vertus recherchées, comme
par les rivages des épreuves rencontrées,
je Le chercherai sans m'attarder aux premières
fleurs du Chemin, les premières consolations
n'étant pas encore l'essence de la Rencontre...
Mon âme s'est en effet renseignée auprès
du psalmiste : "Si vous abondez en richesses,
surtout n'y mettez pas votre cœur !" (Ps 61).
Et quelles bêtes sauvages, sinon selon Jean de
la Croix, le monde, le diable et la chair ? Je reste
toujours enseignée par le psalmiste : "Les
tribulations des craignant-Dieu sont nombreuses,
mais de toutes, Lui les délivrera !" (Ps 34).
Les embûches du diable et les frontières qu'il
tente d'ériger pour nous distraire de la
Rencontre, seront surmontées par la vie
d'oraison, la science de la croix du Christ
et l'humilité rédemptrice...
"Mortifiez donc les inclinations naturelles
et les appétits, et vous vivrez !" (Rm 8)
Strophe 4
"ô forets, ô sombres bosquets
qui furent plantés par l'Ami recherché,
pâturage verdoyant,
prairie de fleurs émaillée,
Dites moi bien s'Il est passé au milieu de vous !"
Il ne crée jamais que par Sa propre main, Celui
qui incite fort l'âme à se détacher du créé pour
rechercher l'Incréé. Le Ciel est comme un
pâturage verdoyant, émaillé de la présence
des anges !
Strophe 5
"En répandant Ses grâces,
Il est passé en hâte par ces bois !
Posant sur eux Son regard,
et par le reflet de Son visage
les laissa empreints de beauté !"
Tirant l'être du néant, Il laissa en chaque créature
l'excellence de Sa substance, l'embellissant d'un
ordre divin, en toute hâte car plus occupé à se
consacrer à l'incarnation du Verbe et aux mystères
chrétiens ! L'âme blessée d'amour par la
connaissance de la trace du Créateur perceptible
dans Ses créatures, Le cherche sans répit pour
Le voir enfin tel qu'Il est !
Strophe 6
"Qui me guérira de cette Attente ?
Livre-toi en vérité, tel que Tu es !
Ne m'adresse plus désormais de messages
qui ne me révèlent complètement
Celui que je cherche !"
L'âme redit à Dieu son désir de Le voir
tel qu'Il est !
Strophe 7
"Tous ceux qui marchent pour Toi
me racontent mille grâces de Toi
et accroissent mon Attente !
mourante, je demeure
avec un je ne sais quoi de balbutié !"
Une blessure touche l'âme et de trois manières :
à cause de la
connaissance imparfaite qu'elle a de Dieu pour
l'instant...
pour avoir approché Dieu par le Chemin
de Son incarnation...
parce que l'âme mourra d'amour pour être
transformée par l'Amour !
Strophe 8
"Mais comment survivre
sans vivre là ou je le devrais ?
Et n'être pas atteinte de mort
par les flèches qu'en mon cœur je conçois
du Bien-Aimé ?"
Dans cette quête viscérale, l'âme vit plus en
Celui qu'elle aime qu'au corps même qu'elle
anime... Saint Paul de nous dit-il pas qu'en
Dieu nous vivons, qu'en Dieu nous nous mouvons,
et qu'en Lui nous subsistons
dans l'Etre ?
Strophe 9
"Que ne guéris-tu ce cœur,
puisque c'est de Toi qu'il a reçu sa plaie ?
Et après me l'avoir dérobé, pourquoi le laisser
ainsi et ne pas l'emporter tout entier ?"
En se plaignant de ne pas lui appartenir
totalement, l'âme confesse que tout lui vient
de Dieu !
Strophe 10
"Apaise mes impatiences
puisque nul ne le peux...
Que mes yeux ne tardent à Te voir,
Toi leur Lumière
car je les garde pour Toi !"
Il s'agit bien des yeux de l'âme...
Strophe 12
"ô fontaine cristalline, si dans le miroir
de tes eaux argentées, Tu me laissais voir
les yeux que sans fin je cherche,
les conservant à l'état d'ébauche
dans mon cœur !"
C'est la foi qui a les propriétés du cristal,
une fontaine spirituelle de laquelle découlent
à l'âme tous les biens spirituels. L'Esprit-Saint
que les croyants reçoivent en leur foi...
Songeons à l'évangile de la Samaritaine...
Par la foi, c'est l'union d'amour habituelle
qui, par l'oraison, permet à l'Ami de vivre en
en celui ou celle qui aime le seul Aimé...
Le crayon de la foi permet au crayon de
l'Amour de dessiner La présence dans les âmes !
Ce sont les crayons
des esquisses de la transformation...
"Je vis, mais plus exactement moi :
c'est le Christ qui vit en moi !"
(Paul aux Galates ...)
Sa vie et celle du Christ "n'était" (au singulier)
qu'une même vie par l'union d'amour...