- Abbé Eric Herth
- 24 avr. 2023
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 mars 2024
Le Psautier de Saint Hilaire de Poitiers
Hilarius, le saint Athanase
de l'occident...
Nous ne connaissons pas précisément
la date de naissance d'Hilaire de Poitiers.
C'est par la "vie des hommes illustres"
de Saint Jérôme que les premiers repères
biographiques nous sont donnés. Né en
Aquitaine, entre 310 et 315 et de famille
païenne, Il a raconté lui-même au début de
son Traité sur la Trinité, combien le Prologue
de saint Jean fut déterminant pour sa conversion.
Trois repères sont encore importants :
il fut baptisé certainement en 345 et
en 350, nous connaissons la date plus ou moins
précise du début de son épiscopat à Poitiers ;
enfin, en 356, il prend publiquement position
au Synode de Béziers, et défend la foi de Nicée
s'agissant de la divinité de Jésus.
Sur l'ordre de l'Empereur, il est alors exilé
en Phrygie, (ancien pays d'Asie mineure proche
de la Turquie) jusqu'en 360-362. Cela ne l'empêcha
pas de conduire son diocèse par correspondance !
C'est par cet exil forcé, qu'Hilarius rencontrera
d'ailleurs le monde grec...
Il retourna alors dans son diocèse, et au milieu
d'un travail immense, rédigea son Commentaire
sur les Psaumes entre 364 et 367
La mort d'Hilaire viendra l'interrompre
dans sa rédaction...
Sulpice Sévère précise dans ses Chroniques,
que l'Evêque de Poitiers est mort cinq ans après
son retour d'exil... Les témoignages concordants
et complémentaires des uns sur la vie des autres,
nous permettent de reconstituer le fil historique...
C'est Mgr Patrick DESCOURTIEUX,
prêtre de l'Archidiocèse de Paris et professeur
à l'Augustinianum de Rome, qui entreprend
en 2008 la traduction de ce Traité des Psaumes
dans la Collection Sources chrétiennes... Et qui
nous offre au passage, une très belle version
des Psaumes ainsi commentés par Hilarius !
Ce gros travail n'est d'ailleurs pas actuellement
achevé, mais poursuit son cours dans les
volumes suivants de la Collection précédemment
citée : SC 515, 565, 603, 605, 625...
Le Tractatus super Psalmos, a été le premier
Commentaire du Psautier en langue latine,
comme Hilarius fut le premier écrivain chrétien
à traduire la pensée d'Origène dans le monde
latin. Le grand Maître de Carthage
Saint Augustin, dira de lui : "C'est un catholique
qui parle, c'est un insigne docteur des Eglises
qui parle, c'est Hilaire qui parle" (St Augustin,
Contre Julien II,,8,28).
Par ailleurs il faut préciser que ce Traité spirituel
ne s'adresse pas à une personne en particulier...
Il s'agit sans doute de l'œuvre attentive d'un
Evêque qui prend le temps de donner à ses
prêtres et à ses diocésains, le sens spirituel des
Psaumes... Dans son commentaire du psaume 64,
Saint Hilaire parle clairement de la louange
du matin et de celle du soir, ce qui a toujours été
très tôt, cru et pratiqué dans l'Eglise, avant de
donner naissance à l'Office divin...
Dans la grande Tradition des commentateurs
bibliques, il s'agira bien de s'attacher
à la dimension littérale du texte mais de ne
pas s'y limiter. Dans la grande Tradition
qu'introduit Origène, il s'agira surtout
de dégager le sens spirituel des Psaumes,
le sens caché dirait-on, et en l'occurrence,
de chercher attentivement le Christ dans les
Psaumes, Celui-là même qui les a priés...
C'est la foi au Christ et la bonne
compréhension de l'économie divine qui
nous permettent de trouver le vrai sens
de l'ancien Testament. Pour lui, le Christ
est la "clé du Psautier" !
"En s'incarnant, le Verbe assumait
en quelque manière l'humanité entière,
y compris celle des prophètes de l'Ancienne
Alliance..."
(B. de MARGERIE, Introduction
à l'histoire de l'Exégèse, II, les premiers
grands exégètes latins, 1983, page 65-98)
Le texte de référence sur lequel travaille
l'auteur de la Traduction du Traité est celui du
Corpus Christianorum. Le Corpus Christianorum
(CC, CCL ou CChr), est une collection savante,
éditée par les bénédictins à Turnhout (Belgique)
chez l'imprimeur Brepols, qui débuta dans les
années 1950. Son objectif actuel est de publier
et dans le cadre d'une collaboration internationale,
tous les ouvrages grecs et latins de la chrétienté,
depuis les auteurs patristiques jusqu'à la fin
du Moyen Âge....
Psaume 1
"Pour le sens commun, les impies sont ceux
qui n'aiment pas Dieu. Dans leur hostilité à la
religion, ils considèrent que le monde n'a pas
de créateur et soutiennent que sa forme et sa
beauté lui viennent de formes dus au hasard."
(SC 515, Psaume 1,7)
L'Arbre dont il est question c'est l'arbre
de la connaissance du bien et du mal,
l'arbre de la Genèse...
Nous sommes nous-mêmes cet
arbre doué de raison, qui donne des fruits
en son temps... "Ainsi l'homme bienheureux
deviendra cet arbre..."
Les feuilles ne disparaîtront pas,
car ce sont les paroles de Dieu qui donneront
leurs fruits... C'est l'enseignement précieux
"d'une parole qui ne tombe pas..."
(SC 515, Psaume 1,17)
A propos du jugement des pécheurs :
"La peur de Dieu en retient plusieurs
dans l'Eglise, mais les séductions mondaines
les attirent pourtant vers
les péchés du monde..."
Sur le sens du verbe connaître pour Dieu :
"En demandant à Adam où il est,
(cf Livre de la Genèse),
Dieu montre que son péché l'a rendu
indigne d'être connu de lui..."
(SC 515, Psaume 1,22-24)
Psaume 2
Les nations qui frémissent et les peuples qui
forment de vains projets : "...Réunis dans
les personnes d'Hérode et de Pilate, des nations
frémissantes et des peuples qui formaient de
vains projets, se sont dressés comme un seul
homme avec leurs rois et leurs chefs. C'est
effectivement d'un commun accord
que le préteur et le tétrarque, décidèrent
de condamner le Seigneur à souffrir..."
(SC 515, Psaume 2,5)
"Le Seigneur m'a dit :"Tu es mon Fils, aujourd'hui
je T'ai engendré..." : "En devenant
fils de l'homme, Il n'avait pas cessé d'être
le Fils de Dieu.
Au contraire, le Fils de Dieu est si bien
le fils de l'homme, que sa puissance
subsistante de Fils de Dieu qui descend
du ciel, fait de Lui le fils
de l'homme au ciel..." (SC 515, Psaume 2,11)
"Saisissez l'enseignement du Seigneur,
pour éviter qu'Il ne se mette en colère" :
"la punition appliquée à ceux qui,
dans la liberté de leur volonté,
ont préféré mal agir, passe pour être
la colère de Dieu : la nature de Dieu, immuable
et toujours en repos, ne s'échauffe pas sous
l'effet d'une l'impulsion soudaine, mais, sous
le coup d'un châtiment, l'homme qui en demeure
frappé, a l'impression que l'auteur de cette
décision est en colère contre lui." (Ps 2,17)
Mais "Dieu n'est soumis à aucun mouvement
qui le ferait changer et ne saurait passer
d'un état à un autre, puisque sa nature est
marquée par la fermeté et la constance.
Il demeure tel qu'Il est,
Lui qui a dit précisément :
"Je suis qui je suis et ne change pas"
(Ex 3,14) (Ps 2, 18)
"Il ne change donc pas pour
se mettre en colère
puisqu'Il est magnanime,
mais, en juge puissant,
Il a décidé de châtier une faute..." (Ps 2, 18)
"Aujourd'hui Je T'ai engendré !"
"En tant que Verbe de Dieu, le Fils unique
de Dieu est le Die Verbe. Il n'existe pas avec
le temps mais avant le temps... Il n'existe pas
en un temps donné mais avant
tous les temps..." (Ps 2,23)
"Ce Fils de l'homme n'est autre
que le Fils de Dieu :la noblesse de sa nature
n'est nullement atteinte par le fait qu'Il devient
Fils de l'homme. En effet, être Fils de l'Homme
ne l'empêche pas d'être Fils de Dieu :
Il n'a pas dû sortir de sa divinité pour
entrer dans notre humble condition,
et le partage de notre faiblesse
n'a pas constitué un affront à sa puissance;
au contraire, c'est notre faiblesse
qui a été honorée par sa puissance."
(SC Psaume 2,25)
Le Verbe divin : "En naissant
à ce qu'Il fut avant le temps, Il naît
pour être dans le temps ce qu'Il n'était pas..."
(SC Psaume 2,27)
"Par l'intermédiaire du prophète Jérémie,
Dieu nous a appris qu'Il nous brise comme
un vase de potier (...) Il nous refait pour
nous amener à entrer dans la vraie Vie, par
le mépris de l'argent, la retenue dans la luxure,
le contrôle de la colère, la science du vrai,
l'unité dans la vie et les devoirs de la religion."
(SC Psaume 2,39)
"La comparaison avec le vase du potier
qui se brise évoque le moment où la volonté
de l'Artisan restaurera nos corps, détruits
et brisés par la chute qu'est la mort..."'
(SC Psaume 2,41)
"Et maintenant, rois comprenez : montrant
ainsi que ceux qui vont comprendre sont
effectivement des rois !" (SC Psaume 2,42)
"Le règne de Dieu, c'est la défaite du péché,
la destruction de la mort, la fin du règne de
l'ennemi..." (SC 515, Psaume 2,43-44)
"Heureux tous ceux qui font confiance
au Seigneur : Il Lui faut la confiance;
autrement dit une pensée ferme et une
volonté immuable : avoir confiance, c'est
plus qu'espérer !"(SC Psaume 2,50)
Psaume 9
"Le psaume contient des secrets et non pas
seulement un secret... L'un des secrets,
c'est que Dieu, pour sauver l'homme,
n'est pas venu dans la gloire du ciel
et la splendeur de son Nom, mais
qu'Il a revêtu la forme d'un corps humain.
Un autre secret, c'est qu'Il a revêtu la chair
humaine sans avoir la même naissance
que tout le monde. Né d'une Vierge, Il a vu le
jour et a été enfanté sans commencer à naître.
Un autre secret, c'est que Celui qui est mort
a repris vie après sa mort, en retrouvant par
son corps, la gloire de l'immortalité."
(SC 515, Psaume 9,3)
Psaume 13
"L'Esprit-Saint voyant l'erreur du genre humain,
les maux grandissants de ce monde
et la maladie qui progresse en semant
inexorablement la mort,
(ce qui arrive quand Dieu est nié),
que personne ne veut le bien, qu'ils
se servent de leur langue pour tromper, qu'un
venin de vipère est répandu sur leurs lèvres
et dans leurs paroles, que leur bouche est
remplie d'amertume et de malédiction et
que le malheur pèse sur tous ceux qui ne
connaissent pas le chemin de la Paix...
L'Esprit-Saint donc, s'écrie : Qui de Sion
pourra donner le salut à Israël ? (...)
Les œuvres de la Loi étaient devenues
trop faibles devant une telle épidémie de
maladies (humaines)...
(SC 515, Psaume 13,3)
"Il nous faut expliquer ce qu'est Sion,
et c'est l'Apôtre qui nous l'enseigne :
"Approchons-nous de la Montagne de Sion,
de la sainte Cité de Jérusalem... (He , 12,22).
