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« La vie de l’homme sur la terre est un combat » (Job, VII, 1).

Toute vertu est une force morale donnée à l’homme pour lutter et pour vaincre. Mais outre la force incluse dans toute vertu pour lui permettre de surmonter les obstacles qui entravent son action. Il existe une Vertu spéciale de Force.

 

I. La Vertu de Force

 

1. Sa nature et ses caractères

Lorsque l’appréhension des périls qui menacent la vie physique ou la crainte des souffrances corporelles risquent d’entraver l’essor de la vie spirituelle, la détourner du devoir et du bien, c’est la Vertu de Force qui maintient la domination de l’esprit sur la matière, la maîtrise de l’âme sur les facultés intérieures et assure le triomphe de la personne humaine sur les puissances qui attaquent sa sensibilité.

Cette Vertu ne libère pas l’homme des épreuves temporelles : le rôle de « l’âme forte » consiste moins à vaincre les puissances extérieures qu’à ne pas se laisser vaincre elle-même. Cette Vertu confère fermeté sereine et calme imperturbable à l’âme assurée que la volonté soutenue par la Grâce suffira toujours à faire front à tous les assauts et demeure invincible. 

Cette Vertu est indispensable lorsque l’homme approche de la mort pour dominer la peur de la mort et ses tortures.

 

La Force se dresse alors et fait à l’âme un rempart infranchissable pour qu’elle s’envole vers sa vraie patrie, sortant victorieuse de la mort.

 

2. Son acte principal : le Martyre

La Vertu de Force apparaît avec toutes ses caractéristiques et dans tout son éclat en cas de mort certaine, de mise en demeure d’opter entre les biens périssables et les biens spirituels, de volonté constante de résister aux menaces, aux souffrances physiques et de subir la mort corporelle plutôt que de consentir à sacrifier la moindre parcelle de l’âme. 

Pour le Croyant, sa Foi est la Vie surnaturelle à laquelle il tient plus qu’à tout le reste. Il l’affirme solennellement face aux ignorants, aux incroyants, aux impies. Sa conviction tient ferme et triomphe. C’est pourquoi le Martyr confesse sa Foi et il le fait jusque dans la mort. On l’appelle témoin du Christ, au sens où il proclame ce qu’il sait, sans que rien ne puisse le faire taire.

Toutes les Vertus chrétiennes peuvent donner lieu au Martyre. Ainsi, une Vierge devient Martyre de la chasteté, si elle se laisse poignarder plutôt que de céder au tentateur ; Et on décerne le titre de Martyrs à tous les chrétiens qui tombent sous le coup des ennemis de Dieu et de son Eglise. A vrai dire dans ces hypothèses, il manque un des éléments constitutifs du Martyre formel : savoir la préférence délibérément et officiellement donnée aux biens spirituels sur la vie temporelle. De même celui qui ne meurt pas, ne peut être Martyre car il lui manque la préférence vouée à la Vie surnaturelle de l’âme.

Dieu, au plus grand nombre de ses fidèles, ne demande pas le témoignage du sang. Et il ne le fait pas connaître à l’avance à ceux qui y sont destinés. Cependant Nul ne peut s’en dire définitivement dispensé et doit être disposé à confesser sa Foi au prix même de sa vie.

 

3. Les vices contraires

La peur qui génère la lâcheté pour que l’âme lâche le bien qu’elle a le devoir de tenir.

La témérité est le vice de l’homme qui ne doute de rien et ne redoute rien.

 

II. Vertus annexes de la Force

La Vertu de Force laisse apparaître la Magnificence dont le propre est de réaliser de grandes choses : l’homme ne peut rien faire de plus grand que de livrer sa vie. Puis la Patience intervient pour endurer les frayeurs et les douleurs inhérentes à la mort ; enfin la Persévérance est la continuité de la Force, sa victoire constante aussi longtemps que le péril persiste. Ces Vertus font partie intégrante de la Force.

La Vertu de Force peut aussi être utile dès lors que l’homme sans mourir, sacrifie quelque chose de lui-même afin de s’élever à un plus haut degré de vie. Et cette Force dans les combats ordinaires de la vie est importante.

 

a. La Magnanimité

Une grande âme, c’est ce que le mot exprime : ce qui désigne une certaine noblesse de sentiments qui dépasse le niveau commun et qui inspire des gestes généreux, soit dans les entreprises personnelles, soit dans la bienfaisance à l’égard d’autrui. Le Magnanime est appelé homme d’honneur, parce qu’il accomplit des choses dignes d’être honorées. Mais le Magnanime est un humble : ce qu’il entend faire honorer, ce n’est pas sa valeur propre ni son œuvre personnelle mais les Dons de Dieu en lui. Cet honneur qui lui est décerné s’adresse donc directement à Dieu, auteur de tout bien.

La Magnanimité inspire de faire avec une grande âme les plus petites choses et transfigure les actions les plus banales. Elle est le fondement de l’humanisme chrétien. Et cela se traduit par un dévouement effectif et le don de soi sans réserve.

Le magnanime s’appuie sur la Grâce de Dieu plus que sur la vigueur de son caractère.

Quels sont les vices opposés ? Voir trop grand, concevoir des projets disproportionnés avec ses forces, c’est pécher par excès de magnanimité.

 

Une première manière est la Présomption, c’est le défaut de celui qui présume de ses forces ou des moyens qui lui seront octroyés, sans avoir les motifs suffisants de croire qu’il aura la faculté d’en disposer ; il entreprend plus qu’il ne pourra réaliser. Autre forme d’excès, l’Ambition aspire aux honneurs mérités par les grandes œuvres plutôt qu’à la réalisation de ces œuvres : le but de l’ambitieux n’est pas tant de faire le bien que d’en obtenir la gloire. Enfin la Vaine Gloire cherche l’honneur pour des choses qui n’en valent pas la peine et se contente d’honneurs futiles.

S’oppose à la Magnanimité par défaut, la Pusillanimité, qui est l’attitude d’une âme qui, non contente de reconnaître sa faiblesse native se rapetisse encore au point de s’en tenir en deçà de ses possibilités : paresse, peur de l’effort et de ses responsabilités voire peur de l’échec qui incite à ne rien tenter. C’est la cause de la lâcheté.

 

b. La Magnificence

Vertu dérivée de la Magnanimité : « voir et faire grand » pour l’honneur des réalités les plus hautes, pour exprimer les sentiments les plus nobles et pour mériter les éloges les plus sublimes. C’est la Magnificence qui a construit les cathédrales !

 

c. La Patience

Son nom (« Pati » = souffrir) le rattache à la Force qui consiste à subir le mal. La patience maintient l’égalité d’âme. La patience peut ainsi supporter sans maugréer les peines de la vie : elle est la preuve d’une Foi vive et l’expression d’une Espérance invincible. Elle s’exerce aussi dans les rapports avec le prochain : le support imperturbable de ses défauts inévitables est un acte de Charité.

Evidemment il ne faut pas confondre la Patience avec l’insensibilité. Ce n’est pas le fait de supporter les maux qui constitue la patience mais seulement l’intention, savoir le désir de sauvegarder l’intégrité des biens spirituels. « Conformité entière à la Volonté de Dieu », telle est à la fois la source et le caractère de la vraie Patience. La Patience coïncide alors avec la Charité parfaite qui aime se livrer sans réserve et trouve sa paix dans l’abandon au bon plaisir divin.

 Elle est la Reine des Vertus : elle est le fondement qui soutient nos bonnes actions, un port tranquille contre les tempêtes, la paix au milieu de la guerre, un principe de sécurité parmi les embûches. Elle rend l’âme plus forte que le diamant : elle lui procure une assurance imperturbable en face de tous les dangers.

 

d. La Persévérance

La Patience prend le nom de Longanimité lorsqu’elle consiste à attendre longuement le bien espéré ; elle est Constance lorsqu’elle comporte un effort continu pour la réalisation d’une bonne œuvre.

La Persévérance est le fait de tenir non pas jusqu’au bout d’une entreprise mais jusqu’à la fin de la vie et dans la pratique de toutes les Vertus. Son domaine est plus vaste que la Patience. Il est nécessaire qu’une puissance spéciale assure à la volonté humaines une vraie continuité, la fortifie pour qu’elle puisse vaincre la longueur du temps.

Cette Persévérance découle de la Grâce sanctifiante. La Persévérance finale est le fruit d’une Grâce spéciale qui s’exerce dans les derniers instants de la vie.

La pertinacité ou obstination ou encore entêtement est la fausse persévérance qui se met au service du mal.

 

 

III. Le Don de Force

Le Don de Force est la puissance divine concédée à l’homme.

Au Don de Force correspond la 4ème béatitude : « Bienheureux sont qui ont faim et soif de la Justice, car ils seront rassasiés ». Ne faut-il pas être fort, pour endurer les tourments de la soif et de la faim ?

 

IV. Les préceptes concernant la Vertu de Force

« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme. » Le Christ prédit à ses disciples et les béatifie, de ce qu’ils auront à souffrir comme Lui et pour Lui l’infamie, les tortures, pour défendre les biens spirituels.

Dans l’ordre de l’action, la Vertu de Force passe la première : commencez par sauvegarder le Bien que Dieu a mis en vous, à vous défendre contre les incursions contraires, afin de conserver la paix et de promouvoir les progrès de la Vie intérieure. 

In Initiation à la Théologie

de Saint Thomas d'Aquin

R. P. Raphaêl Sineux O. P.

Desclée et Cie 1979

La vertu de force
Vertus annexes de la Force
Le Don de Force
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