"... Tant il est vrai que la Vie
passe toujours par la mort à soi-même ..."
32ème Dimanche du Temps ordinaire
"Jarre de farine point ne s'épuisera,
vase d'huile point ne se videra."
(1 Rois 17)
Sarepta,
un site antique, situé entre Sidon et Tyr,
à proximité de l'actuelle ville libanaise
de Sarafand.
Il est important de situer toujours
dans le temps et l'espace
ce que nous lisons, car c'est toujours l'historicité
des sources repérables de notre foi
qui est en jeu.
Le prophète Elie, au IXème siècle avant notre ère,
se rend à Sarepta
et rencontre une femme veuve avec son fils.
La galette qu'elle prépare pour nourrir Elie
a toujours été interprétée par les chrétiens
comme une très lointaine image de l'Eucharistie...
Mais l'essentiel du sens de ce texte
n'est pas là !
Dans de grandes difficultés morales
(elle vient de perdre son époux), et matérielles,
(éprouvant la famine avec son petit enfant),
cette femme accueille sans condition le prophète !
En bonne hospitalière elle lui donne tout !
Et lui, plutôt de que de modérer sa générosité,
il exige qu'on lui fasse un dîner
au risque de dévorer ses petites réserves !
Nous percevons là une merveilleuse
et exigeante réalité de la vie humaine,
de la vie spirituelle et surtout de l'Evangile :
"à celui qui n'a déjà pas,
on enlèvera même ce qu'il a !"
(Mt 13)
Humainement, c'est déconcertant,
parfois révoltant
et en tout cas éprouvant !
Spirituellement, c'est déstabilisant mais libérant
et peut nous mener à une vraie résurrection !
Dans son geste de totale abandon,
cette dame veuve
exprime la force de Vie qui vient de Dieu,
celle qui est toujours plus forte que la mort...
Dans la suite du récit qu'il faudrait lire
pour mieux saisir les enjeux,
le fils de cette femme déjà veuve
tombera malade et mourra également !
Elie le ressuscitera !
"A celui qui n'a déjà pas,
on enlèvera même ce qu'il a !"
Les voies de Dieu sont effectivement impénétrables,
car rien n'est jamais définitivement acquis
pour Le connaître en vérité !
D'ailleurs, à la moindre mise en cause
de nos petites certitudes
souvent approximativement acquises,
nous ne pouvons
cacher notre panique à l'idée même de les perdre !
Nous vivons sur le stock et non sur le potentiel !
La veuve de Sarepta n'a ici aucune
prévention personnelle mais peut-être
suffisamment de souplesse d'âme
et d'intelligence spirituelle
pour se disposer non pas à connaitre
par elle-même mais à accueillir
comme une occasion salutaire de progrès
ce qui lui vient de la part de son hôte !
Elle ne récrimine pas à la demande d'Elie ;
elle pose un geste libérateur !
Donc elle est libre pour voir Dieu...
Heureux les cœurs purs,
car nous savons que
ce sont eux qui les premiers, verront Dieu !
+
Et la vieille femme de l'Evangile,
veuve elle aussi, que l'on imagine
claudiquant dans le Temple de Jérusalem,
vient briser les codes et confondre tout le monde :
est-ce que le plus essentiel d'une vie
ne passerait pas par ce geste prophétique
qui consiste à tout donner, jusqu'au bout,
et même le peu que nous ayons,
quitte à le voir disparaître aussi ?
Dieu merci !
Dieu ne permet pas que nous
soyons jamais à ce point démunis,
mais nous savons tout ce que recèle
en elle-même cette logique divine
qu'il nous faut réapprendre jour après jour,
"tels des enfants" qui la redécouvrent
jour après jour
pour prétendre ressusciter en nous-mêmes,
et donc, déjà en ce monde...
Alors oui, nous entrerons dans la Vie
c'est-à-dire dans une foi vivante
qui nous renouvellera !
Mais ce n'est tellement pas la logique
que l'esprit du monde a imposé à nos facultés
depuis notre plus jeune âge...
Logique trop humaine et par laquelle
il nous faut bien remplir nos greniers,
nos ventres et nos cerveaux
d'inutilités sacralisées,
en risquant de passer
toujours aussi régulièrement à côté
"de la seule chose qui te manque" :
faire du neuf avec trois fois rien !