Tout ravin sera comblé !
2ème Dimanche de l'Avent
"Tout ravin sera comblé..."
L'Evangile de ce dimanche
cite la prophétie d'Isaïe...
"Tout ravin sera comblé,
toute montagne et toute colline seront abaissées;
les passages tortueux deviendront droits,
les chemins rocailleux seront aplanis...
Et tout être vivant verra le salut de Dieu !"
(Lc 3,6)
Le terme hébreu "Minharah"
désigne le fossé, la crevasse,
une caverne, un repaire ; une cavité
et tout lieu périlleux...
Il n'est pas interdit de faire ici,
une interprétation spirituelle
du passage d'Isaïe cité par Jésus...
La géographie de nos vies est accidentée !
La géographie de nos itinéraires spirituels
également, et peut être surtout
à cause de nos cabosses historiques,
humaines,
celles qui sont propres à toute personne,
au simple motif d'appartenir
à l'humanité blessée par le péché originel...
Et puis celles qui sont liées à notre subjectivité
à notre caractère, à notre tempérament
à nos inclinations profondes qui viennent de loin...
Et qui elles aussi, sont marquées
par le refus ancestral de Dieu !
Notre cœur profond aussi est limitrophe !
Il est un mélange de chair et d’esprit,
d’aspirations terrestres
et d’aspirations spirituelles...
Il descend même et parfois dans de basses eaux,
là où seul l’Esprit de Dieu peut entrer,
ce même Esprit de Lumière et de chaleur
"qui sonde les reins et les cœurs"
pour les apaiser et finir par les soigner !
Le Messie de Noël est le Christ-Médecin
qui soigne nos âmes et peut-être même nos corps,
si nous Le laissons faire !
Dans son histoire personnelle,
Moïse connut ces chemins accidentés;
il est même physiquement descendu
du Mont Hermon
jusqu’à la vallée la plus basse du monde
celle qui conduit à la mer Morte,
environ -392 en dessous du niveau de la mer...
Nous imaginons aisément qu'il soit passé
lui-même comme nous-mêmes,
non pas seulement par "des hauts et des bas"
(ce serait trop simpliste et réducteur
de ce dont il est question ici),
mais par des moments de grande jubilation
comme par des temps de terrible incertitude,
de dépressions morales et physiques
(au sens étymologique du mot).
"Ainsi va la vie, dirons nous !"
Non, pas seulement
la vie de tous les jours, elle-même compliquée
nous le savons bien,
mais la vie spirituelle profonde qui,
quand elle est vraiment choisie,
n'est en effet jamais linéaire
et peut être plus ardue encore
que la vie simplement naturelle !
Grégoire de Nysse (IVème) avait bien montré
par ses écrits et par son expérience mystique,
combien Moïse a été tour à tour
visité par la Lumière (non pas la sienne),
mais celle de Dieu (Phôs)
et par la ténèbre (gnophos),
non pas seulement la sienne
mais ce nuage d' "inconnaissable"
qui entourera toujours Celui que nous cherchons
car Il ne se laissera jamais "posséder"
dans une "claire vison" prétendue,
qui est en réalité souvent trop humaine
au regard de ce qu'Il est effectivement !
(Cf les enseignements de Saint Grégoire de Nysse
in Vie de Moïse, Source chrétiennes 1bis)
La vie humaine comme la vie spirituelle
authentiques,
sont semées d'embûches :
les ravins de l'illusion et du découragement
sur nous-mêmes et sur Dieu...
L'alternance des saisons nous concernant,
n'est pas anormale.
Nos cabosses liées à "notre histoire sainte"
c'est-à-dire au péché originel
dont nous héritons
"par simple voie de génération"
comme le décrit admirablement
le Concile de Trente,
ne sont pas étonnantes non plus !
Ce qui est le plus étonnant, c'est que nous soyons
si peu enclin à vouloir guérir
avec la médecine spirituelle
du seul Médecin qui soit !
Et c'est là sans doute notre plus grosse
cabosse spirituelle.
"Si je traverse les ravins de la mort,
avec Toi je ne crains aucun mal..." (Psaume 22)
Non pas parce que Tu m'assistes
comme on soutient un petit enfant
qui ne sait pas encore marcher,
mais parce que Toi seul est le médecin
de mon cœur profond qui,
en avançant en âge, mesure mieux
tout ce qui le sépare encore de Toi !
La seule chose pour laquelle Seigneur,
j'ai vraiment besoin d'être secondé,
c'est de pouvoir par Ta grâce,
lâcher prise effectivement,
en acceptant Ta médecine salutaire
pour comprendre enfin que les plus grands ravins
de ma vie ne sont pas ceux
de ma route seulement,
mais que ce sont ceux qui sont
à l'intérieur de moi !
J'ai reçu ma vie pour comprendre cela
et sans nul doute par grâce !
J'ai une vie pour travailler sur moi-même
avec mon seul Médecin et Sa grâce !
Ne pas passer à côté de "sa vie",
c'est la saisir pour apprendre
la seule chose qui explique
la longueur et les méandres de ses jours :
avoir le temps de retrouver son Médecin !
Tout ravin pourra être en effet, comblé !
Car
"Consentir au salut,
avait dit Saint Bernard de Clairvaux,
c'est déjà être sauvé..."