La prière pour un moderne...
Héritiers sans toujours le savoir, du siècle de
Descartes, et connaissant peu Pascal, on nous
a appris à mettre notre confiance surtout dans
la raison et beaucoup moins dans l'intuition...
Et de manière plus récente, à valoriser le
sentiment pour ne pas dire le sentimentalisme
plutôt que le sens de Dieu et le sens du sacré...
Pour entrer dans la prière et surtout dans une
vie de prière, il convient de développer en soi
et comme une bonne habitude perpétuelle, le
sens du sacré. C'est un tout autre monde car
le sacré se trouve hors de nos techniques
modernes et habituelles... Nous n'y sommes
pas habitués ! Aussi, la prière passera par une
acclimatation à un tout autre monde, plus
simple et dépouillé, apparemment austère,
mais en réalité divin, éternel et silencieux.
Pour que Dieu se manifeste de la manière
qu'Il veut, une seule chose est nécessaire
et absolument nécessaire : le silence !
Le bruit de la bouche, du cœur et de la tête,
ne laisse pas le Dieu transcendant se révéler
dans l'immanence de notre condition...
Pour prier il faut faire l'effort de tendre vers
Dieu et cet élan est plus affectif qu'intellectuel !
Le Dieu du Christianisme est un Dieu proche,
un Dieu Père ! Dans la prière, on se comportera
donc avec confiance comme un enfant vis-à-vis
de son père. On découvrira même, avec un peu
d'expérience, que Dieu est tout autant père
qu'Il est mère... On se présente donc comme
on est, sans gêne de ce que nous sommes et
tels que nous sommes, simplement et humble-
ment ! On priera de même qu'on aime dans la
vie quotidienne, c'est-à-dire simplement, de tout
son être, spontanément ! Il n'est pas nécessaire
d'être éloquent, cultivé ou lettré pour bien prier !
Sans doute suffit-il d'être humble et de rester
ce que nous sommes : c'est toute notre
personnalité qui prie et l'on ne change pas de
personnalité pour bien prier ! Les prières qui
s'élèvent de la terre vers le Ciel, diffèrent les
unes des autres autant que diffère la
personnalité de ceux et celles qui les confient !
Pour beaucoup, au début, la prière correspond
à une liste de demande ; progressivement,
lorsqu'on découvre ce qu'est vraiment la prière,
elle cesse d'être une pétition pour devenir une
simple adoration, un simple silence de présence
aimante...
On priera avec ses mots ; ses mots d'enfant
comme ses mots d'adulte, et avec le temps, on
découvrira la grâce particulière de prier avec les
mots de la foi et surtout, avec les mots
de la Liturgie... (Cf cours sur la spiritualité
liturgique...)
Pour acquérir le sens de Dieu, le sens du sacré,
on découvrira que c'est surtout notre vie qui
doit prier et se mettre en prière. "Dis-moi
comment tu vis et je te dirai comment tu pries !"
Un genre de vie sobre, en perpétuelle quête de
conversion de simplicité intérieure et extérieure,
prédisposera facilement à la prière et au sens
du sacré. Toute la prière doit s'inscrire dans notre
vie et ne pas être à côté de notre vie, comme
toute la vie s'insinue dans la prière !
Où prier ? On priera évidemment partout !
Dans la rue, en voiture, dans le train, à l'école
et au travail, mais de grâce, que l'on comprenne
que l'on priera surtout et beaucoup mieux
dans les champs, dans les bois, dans la solitude
de sa chambre et jamais mieux que devant le
Saint Sacrement, présence très réelle de Jésus-
Christ dans une église...
Avec le silence comme bonne habitude, le calme
intérieur est un terreau indispensable. Il est
habituel de noter que pour la Tradition spirituelle,
la colère est un poison qui empêche de prier !
Ruminer même intérieurement contre quelqu'un
ou quelque chose, nous fera sortir assurément
de l'esprit de prière... Or, nous savons bien que
ce calme intérieur dépend grandement de notre
état physique et psychologique... Notre vie
personnelle doit prendre une distance certaine
avec le fracas, l'agitation, le bruit, la confusion
et la dispersion, pour devenir une vie de prière...
Et que l'on se souvienne combien une vie calme
n'est pas une vie triste ; qu'une vie silencieuse
n'est pas nécessairement une vie austère, et
qu'une vie paisible n'est pas forcément une
vie monotone ou ennuyeuse... Là où Dieu
habite, là où on Le connaît, là où on honore
Sa Présence, la vie n'est pas ennuyeuse, elle
est simplement ordonnée, pour que le sacré
occupe la première place et soit au premier plan !
Vouloir prier, c'est donc commencer à consentir
à choisir un mode de vie et une tonalité
habituelle, qui de fait, ne sont pas modernes !
La compréhension et l'acceptation de ce choix
délibéré de vie, correspond en soi,
à une conversion des mœurs ! Le plus dur,
ce n'est pas de prier, mais de consentir à un
changement de manière de vivre, tout en
restant dans notre vraie vie, pour entrer
dans la vie de la prière de notre vie...
Vie de prière, prière de vie !
Les deux dimensions doivent s'unifier l'une
vis-à-vis de l'autre et réciproquement ! Quand
on veut prier, c'est la vie qui doit se mettre
en ordre, dans l'ordre du divin... Car Dieu
ne vit pas dans le chambard mais dans
l'harmonie... Nous ne serons jamais de fait,
dans l'harmonie parfaite, mais nous pouvons
néanmoins rechercher l'harmonie relative,
par des moyens concrets, laquelle nous
prédisposera humainement à entrer déjà
dans le monde de Dieu ! Entrer dans le monde
de Dieu, c'est déjà prier...
Il s'agit donc beaucoup plus d'entrer dans
l'esprit de la prière, que de "faire des prières..."
Et en ce sens, la prière véritable a une vraie
influence sur notre quotidien et sur
notre personnalité. C'est en devenant une
habitude que la prière agit sur notre caractère.
Il faudrait prier fréquemment, penser à Dieu
bien autant que nous respirons !
De très courtes invocations mentales,
des paroles bibliques, des psaumes
ou de l'Evangile, peuvent nous maintenir plus
habituellement en présence de Dieu...
Toute la conduite est alors inspirée
par la prière, car la prière est devenue une
manière de vivre... C'est par la prière que nous
allons à Dieu et que Dieu entre en nous !
L'homme a besoin de Dieu autant qu'il a besoin
d'eau et d'oxygène... Il a besoin d'intuition
autant que de raison, d'éternel autant que
de régularité temporelle ! Son équilibre se
situe dans une tension devenue naturelle :
le sens de Dieu et le sens des réalités humaines.
Dieu s'est fait homme pour que l'homme
devienne Dieu ! C'est le génie du Christianisme !
Hic est finis !
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